samedi 3 septembre 2016

DISPARITION D'UN GRAND SYNDICALISTE



Albert Detraz : « L’ambition d’une CFDT laïque, démocratique, porteuse de changements profonds »



Albert Detraz est mort. Nous ne verrons plus ses yeux pétillants, nous n’entendrons plus sa voix chaude et passionnée, son franc-parler. Mais nous n’oublierons pas la pertinence de ses analyses, la force de ses propos, la justesse du verbe, l’humour, la tendresse de l’homme mais aussi son ironie qui pouvait être mordante et percutante mais toujours juste. Nous n’oublierons pas l’homme, le syndicaliste, le militant courageux et engagé qu’il a été ni la trace qu’il a laissée.

Albert était un chrétien laïque, un syndicaliste libertaire, un résistant courageux et modeste, pour beaucoup un ami, et pour moi un grand frère.

En tant que syndicaliste, il s’est attaché à la transformation de la CFTC en un syndicat laïque, démocratique, engagé dans la transformation sociale mais indépendant du pouvoir et des partis.
Dans cet esprit, il a fait partie de ceux qui ont combattu les partisans d’un syndicalisme confessionnel, qui ont lancé l’idée d’autogestion et de contrôle ouvrier, combattu les dirigeants de la CFTC lorsqu’ils tentaient, comme en août 1953, de déserter le champ de la mobilisation sociale pour négocier avec leurs amis ministres MRP du gouvernement Laniel. Il voulait un syndicalisme en prise avec les salariés qui ne soient pas l’otage du pouvoir et des institutions.

Résistant il le fut dans un contexte qui exigeait lucidité et courage. Refusant le piège du pacifisme lorsque les armées d’Hitler menaçaient les démocraties, il fut un « faucon rouge ». Il n’hésita pas à s’engager dans les Corps Francs pour combattre l’armée nazie les armes à la main. Blessé il réussit à échapper à la captivité. Sa médaille c’est sur les champs de bataille qu’il l’a gagnée !

Résistant, il l’était encore. Il savait d’instinct distinguer les effets de mode et le long terme, les projets intéressants et les pièges idéologiques, source de confusions, d’échecs et de déstabilisation. Il ne confondait pas les intérêts personnels ni ceux des organisations avec ceux du plus grand nombre que le syndicalisme devait représenter et défendre.

Pour beaucoup, dans et hors de la CFDT, Albert était un ami très cher. Il était devenu une sorte de guide dont la justesse des analyses me frappait. Avec quelques anciens –et récents anciens- nous avions l'habitude de nous retrouver trois ou quatre fois l'an. Il n’avait rien perdu de sa vivacité intellectuelle ni de ses capacités d’analyse. Il va beaucoup nous manquer.

Pierre Héritier